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Le Fonds se compose des documents qu'Ahmed Benkirane, témoin de presqu'un siècle d'histoire du Maroc, a collecté tout au long de sa vie à partir de ses expériences politiques et professionnelles. La lutte nationaliste, le fonctionnement des premiers gouvernements après l'indépendance et la formation de l'économie nationale sont les principaux sujets documentés à partir des années 1930. La collection de Maroc Informations, un journal économique et politique publié de 1960 à 1966, est particulièrement intéressante pour connaître une période de l'histoire récente du Maroc sur laquelle le manque de sources est considérée une caractéristique.
La documentation a été réunie et organisée une première fois durant les années 1980, lorsque Ahmed Benkirane, soucieux de laisser son témoignage, avait entamé l'écriture d'un essai autobiographique - projet qu'il a ensuite abandonné. En 2010, Benkirane a choisi de mettre ses archives privées à disposition d'un projet de recherche sur l'affirmation de l'État-nation, les formes de participation et les modes d'exercice du pouvoir au Maroc, mené par Irene Bono.
C'est dans ce cadre que, durant les 10 ans les successifs, Irene Bono a eu l'opportunité de discuter régulièrement avec Ahmed Benkirane de ses expériences passées. Au fur et à mesure qu'elle plongeait dans sa documentation, plutôt qu’aux processus dont elle pouvait trouver des traces, elle a commencé à s’interroger sur les limites des catégories à travers lesquelles ceux-ci sont le plus souvent analysés et à considérer les documents que Benkirane avait mis à sa disposition comme des traces des multiples processus qui ont contribué à façonner l'Etat nation au Maroc, et en premier lieu à façonner ce qui échappe au récit commun.
«Notre partage s’est construit sur les documents, autour des documents et à travers les documents - a écrit Irene Bono –. Ces derniers m’ont permis en premier lieu d’acquérir les connaissances nécessaires pour historiciser et contextualiser le récit biographique qui ressortait de mes entretiens avec Benkirane. En deuxième lieu, les documents ont à maintes reprises sollicité des souvenirs qu’il avait oubliés, ou qu’il avait tendance à ne pas aborder lorsqu’il sélectionnait les événements dont il me parlait pour répondre à mes questions. En troisième lieu, nos échanges sur les documents nous ont amenés à réitérer nos conversations sur des sujets que nous avions déjà abordés, et à démultiplier aussi bien les questionnements que je me posais que les réponses, les réactions et les interprétations que celles-ci suscitaient chez Benkirane».
Un premier inventaire numérique a été réalisé en début 2013 par Abdelmajid Arrif et Hassan Moukhlisse de la Maison Méditerranée des Sciences de l'Homme.
En 2015 la collection a été complétée par l'acquisition, auprès de la Bibliothèque Nationale de France (BNF) de l'ensemble de la collection de Maroc informations, dont Benkirane a été le fondateur, l'éditeur et le principal animateur depuis 1960, y compris des semestres qui avaient été perdus ou détruits à la suite de la fermeture du journal en avril 1966.
En début 2016 les documents ont été déplacés dans une société d’archivage pour en garantir une meilleure conservation. Une opération de numérisation a été lancée grâce au soutien du CRESC, Ecole de Gouvernance et d'Economie de Rabat.
La documentation est très diversifiée et inclut de la correspondance professionnelle et privée, des procès-verbaux de réunions et de conseils d’administration, des statuts de sociétés et d’associations, des tracts politiques, des projets, des rapports, divers livrets, des notes prises à la main, des documents de voyage, des notes de rencontres les textes prononcés à des conférences, ou encore des documents d’identité correspondant à différentes périodes de sa vie, quelques cartes de visite, des vœux ou des invitations reçues, un chéquier, des récépissés de virement à la banque, quelques prescriptions médicales, des billets pour des événements sportifs.
Outre les volumes reliés de Maroc Informations, le fonds comprend la collection du magazine Al Atlas, dont Benkirane a aussi été le fondateur, plusieurs numéros de la revue Confluent, à laquelle il a collaboré au début de l’indépendance, et quelques essais sur le système politique et la société marocains datant pour la plupart des années 1960 et 1970. Environ 1 000 photos renvoyant à des occasions officielles, à ses activités professionnelles, mais aussi à son temps libre et à sa vie de famille complètent le fonds.
La collection de documents couvre une assez longue période : les documents les plus anciens remontent à son enfance, les plus récents se réfèrent à ses dernières activités avant sa retraite. Il est rare de trouver un dossier recouvrant exhaustivement la question à laquelle il fait référence. Non seulement, la documentation a été collectée de manière irrégulière, comme c’est souvent le cas dans les archives personnelles, mais au cours de sa vie, Benkirane a déménagé plusieurs fois dans différentes villes du Maroc et même à l’étranger, ce qui lui a fait perdre des documents, ou décider de renoncer à eux.
A partir de 2017 Irene Bono coordonne un travail d'organisation archivistique du fonds, destiné à sa valorisation et à sa mise à disposition auprès du public à travers la plateforme Archiui, grâce au soutien du Département Cultures Politique et Société de l'Université de Turin. Le choix des critères d'organisation a privilégié le domaine d'intérêt des documents plutôt que leur domaine d'activité: Ahmed Benkirane et les représentants de la génération du mouvement national, en plus d'avoir lutté pour l'indépendance, tout au long de leur vie ont été de véritables "entrepreneurs du national", c’est à dire des acteurs qui par leurs activités ont contribué, chacun à leur manière, à façonner la Nation.
Le 4 juin 2021 le Fonds Benkirane a été présenté au Festival Archivissima.